samedi 8 mars 2025

Femmes de Sardaigne : la matinée des autres…

4h47, ce 8 mars, sur France Culture c'est la nuit et c'est aussi le jour international des droits des femmes. Ce documentaire de 1984 de la "Matinée des autres" (réalisé par Arlette Dave) fait le voyage en Sardaigne et dresse un long panorama de l'histoire des femmes sur cette île italienne. Où l'on entend parler Sarde (sûrement) et l'Italien dans une belle harmonie de mots qui chantent et pour lesquels les productrices, Maria Manca et Diane Secci. ont eu la belle idée de ne pas les traduire en simultané, mais d'en proposer la traduction en différé. De quoi s'imprégner d'une langue vibrante et ronde mais aussi de s'immerger quelques instants auprès des femmes qui témoignent et chantent quelquefois.

Une femme fait le pain de façon traditionnelle 
à Esterzili en Sardaigne. ©Getty








J'ai déjà eu l'occasion d'écrire que "La matinée des autres" est une émission incarnée. Où chaque sujet est approfondi et où la parole est bien celle des autres. De tous les autres qui ont fait les belles heures des mardis matins de France Culture depuis 1977. Reconnaissons à Laure Adler d'avoir remis à l'antenne "La matinée des autres" (de 1999 à 2002) quand Patrice Géninet (1997-1999) l'avait supprimée. Soit les effets délétères du rapport Ténèze (1) qui préconisait de contenir les émissions en 60 minutes et de privilégier le direct.

Écouter "La matinée des autres" c'est se mettre en condition de ne pas faire autre chose en même temps. Faire la vaisselle ou laver les carreaux est incompatible avec une écoute nécessairement attentive et soutenue. Je n'en imagine pas une seconde l'écoute dans les transports en commun ou le jardin public. Il faut que rien ne s'agite autour de soi. Le noir profond est idéal. La lumière jaune du salon peut convenir à condition de ne pas se laisser distraire. Fermer les yeux s'impose.

"Les filles ne respectaient pas les vieux quand ceux-ci méritaient une correction. Il n'y avait pas de maître qui tienne. Les femmes avaient le dessus sur les hommes, patron ou pas." On entendra ce type de témoignages et la puissance et la détermination des femmes qui devaient seules élever les enfants, gérer le budget et faire les démarches administratives quand leurs hommes bergers étaient loin à faire paître brebis et moutons lors de longues transhumances. Leur force de caractère leur permettaient aussi de se défendre, de s'affirmer et de s'affranchir d'un patriarcat latent. "Les hommes travaillaient mais ce sont surtout les femmes qui commandaient. Une sorte de matriarcat. De cette position la femme a trouvé une sorte d'indépendance et de liberté qui est supérieure à celle d'autres femmes de Méditerranée. Elle garde par exemple son nom de naissance même une fois mariée."

Vous passerez un bon moment avec ces femmes de Sardaigne. Mais on aimerait bien savoir aujourd'hui comment cette société sarde a évolué et quelle place la femme a-t-elle pu trouver au sein de la famille comme au sein de la société ?

(1) "France Culture. Mission de réflexion. Janvier à avril 1997", publication interne Radio France. Arnaud TénèzeChargé de mission par la Présidence de Radio France. Ancien membre de l'équipe Dhordain. En 1971, "Chef des Services artistiques" à l'ORTF,

mardi 4 mars 2025

Claude Giovannetti… in memoria

C'est une mauvaise nouvelle. Mauvaise car même si un nom de radio reste toujours en onde, le décès de Claude Giovannetti ce dimanche 2 mars, réalisatrice à Radio France, donne un coup dans le ventre. Claude, humble, discrète et je dirai même effacée avait fait toute sa carrière à la radio publique. C'est d'abord à elle que je pense avant d'évoquer son binôme avec Yann Paranthoën. Avec sûrement quelque chose de Corse dans sa réserve et sa pudeur. J'ai pu échanger avec elle de nombreuses fois au téléphone. Pour parler radio bien sûr. Pour mieux comprendre sa fabrique. Pour essayer de lui faire parler d'elle. Pour lui reconnaître toute sa place quand l'auditeur attentif entend désannoncer son nom.











C'est elle qui m'avait donné envie de me procurer le n° 4 (avril 1985) de "L'autre journal" (1) de Michel Butel où Alain Veinstein (Producteur des "Nuits magnétiques" de France Culture), sur quatre pages et huit colonnes s'entretenait avec Yann Paranthoën. Elle avec qui j'avais beaucoup évoqué "Vincent Lavenue, dossard 157" ou un retour sur le Tour de France 1992", comme sur bien d'autres documentaires qu'elle avait réalisés avec le chef-opérateur du son. Et souvent elle "contestait" ce titre de réalisatrice, arguant du fait que Paranthoën ne faisait pas que le son ou la production. Comme le montre la photo ci-dessus (je n'en ai trouvé aucune autre) Claude est en arrière-plan, floue. La position qu'elle se sentait occuper avec Yann.

En 2024, Bastien Lambert nous donne à entendre "Carte postale de Centuri" où Claude raconte différents souvenirs corses avec Paranthoën. C'est bon d'entendre sa voix. Un jour, Kriss dit à un ami physicien «Les gens de radio sont comme des éphémères qui ne volent quun jour et disparaissent ». «Cest faux, lui a-t-il répondu. Tout ce qui existe est détruit par le temps. Les monuments les plus beaux, les livres, la planète elle-même disparaîtra. Mais vous, les voix de radio, vous êtes éternelles. Vos paroles emportées par les ondes hertziennes voyageront dans lunivers aussi longtemps quil existera» (2)

Claude, on ne s'est jamais rencontré, ni en Corse, ni à Paris et pourtant j'avais l'impression de te connaître un peu. Merci pour toute ta création radiophonique (3). Sois en paix…

(1) Dans ce numéro outre Alain Veinstein on retrouve des articles signés par Jean Daive, Jean-Pierre Milovanoff et Olivier Kaeppelin, autant de producteurs de France Culture,
(2) Kriss, La sagesse d’une femme de radio, L’œil neuf, 2005,
(3) Sur France Culture : "L'heure du laitier" (matinale de l'été 1975), "Bonjour Mademoiselle Ruault" Série de 10 émissions enregistrée de novembre 1979 à janvier 1980 et diffusée du 3 au 14 août 1981 à 19H30, de nombreux Ateliers de Création Radiophonique, "Les vacances de Mr Polmar", quelques "Mardi du cinéma" et "Matinée des autres"…

L'autre journal


lundi 3 mars 2025

Radio 1965-2025 : les anciens et les modernes !

J'ai terminé la lecture il y a quelques jours de "Bob Dylan électrique" (1). Un immense plaisir à lire un travail scrupuleux autour d'un mythique festival folk aux États-Unis de 1958 à 1969. La fracture folk/rock de 1965 m'a évoqué celle qui nous bouscule au niveau de la radio publique. Les anciens, incapables de se réjouir de l'avènement du podcast et de la diminution drastique du temps d'antenne consacré à des programmes frais. Les modernes, passionnés par un accès permanent à des émissions détemporalisées (2). Les anciens Pdg de Radio France (1975-2014) s'attachant à faire vivre la radio publique au quotidien, les nouveaux (2014-2025), manageurs de la mutation de la radio en audio.

Maison de la radio publique, Paris

Dans cette affaire, bien sûr, j'ai choisi mon camp ou, plutôt, il est si facile pour mes détracteurs de me ranger dans la case "has been, nostalgique, rétrograde,…" et plus si "désaffinités" ! Sauf que, biberonné pendant 60 ans (4) à la radio, à des programmes d'"hiver", à des programmes d'été, à des voix régulières à l'antenne, j'avale assez mal la couleuvre de la mutation à marche forcée d'une riche histoire humaine autour de la création radiophonique, de sa fabrique quotidienne par les différents métiers utiles à sa diffusion, de la casse du processus de production. Tout ça absolument motivé par les injonctions de la Cour des Comptes et du Ministère de l'Économie dans le but de réduire drastiquement la masse salariale et, ce faisant, casser l'indispensable existence d'un service public de l'audiovisuel.

Un exemple, l'intuition et la volonté de Laurence Bloch quand, Directrice de France Inter (2014-2023) elle fait basculer de l'antenne Philippe Collin et lui offre un boulevard de création de podcasts autour de l'histoire. Avec en prime un staff opérationnel de six à huit personnes. Bloch et Collin pouvant se targuer d'écoutes par millions (30 cumulées au mois de janvier). Tant pis pour le temps consacré à l'histoire à l'antenne, tant pis pour Jean Lebrun (disparu de la grille), tant pis pour les quelques minutes de Stéphanie Duncan (1 heure le dimanche à 21h), tant pis même pour l'histoire autre que celle des vedettes (médiatiques et mainstream) choisies par Collin.

Au titre de la souplesse (accès permanent aux sons), de l'individualisation des podcasts les uns par rapport aux autres, de la sur-médiatisation des vedettes du micro, de l'abandon de l'œuvre collective d'une antenne, de sa couleur, de ses animatrices et animateurs, de sa continuité temporelle, "on" a muté définitivement la radio comme identité médiatique et comme mémoire globale en une infinité de "petits bouts", isolés les uns des autres comme autant de produits à promouvoir, comme des paquets de lessive ou des barres de céréales. Tout ça réuni dans un grand-magasin (une plateforme) Radio France où, petit à petit, les chaînes y perdront jusqu'à leur dénomination.

Comment ne pas aimer Dylan électrique quand, dès 1978, Bernard Lenoir nous en faisait quelques "Feedback" bien sentis. Comment ne pas aimer Dylan folksinger quand sur France Inter, Claude Villers, Patrice Blanc-Francard, François Jouffa, Maurice Achard, Pierre Lattès et aujourd'hui Michka Assayas nous donnaient à chanter avec lui (sans forcément le suppléer à l'harmonica). La radio devrait s'attacher à perpétuer ses programmes et à les enrichir sans que cela ne l'empêche d'ouvrir les rediffusions permanentes via le podcast. C'est un choix de société à faire. Gallet et Veil (Pdg et Pdgère depuis 2014) ont fait le choix facile des renoncements. Renvoyant aux marges les vieilles barbes, les scrogneugneu, les pisse-vinaigres et autres déçus de l'évolution d'un progrès "cache-misère". Sacralisant ces nouveaux adeptes numériques en leur permettant sur tous les supports l'accès au Graal et plus si affinités !

"Ils nous prennent pour des audios", nous l'avions déjà écrit avec David Christoffel. Pour des audios alors que, plus que jamais, nous sommes des radios-amateurs. Amateurs de cette radio-là, collective et singulière, créative et chercheuse, partenaire et complice de nos jours et de nos nuits.

Ajout du 3 mars, 11h
"« La TV permet de découvrir des podcasteurs dans un contexte différent. Elle est la nouvelle radio de la maison, commente Steve McLendon [YouTube]. Beaucoup de gens allument la TV pendant qu’ils préparent à manger, et c’est souvent comme ça qu’ils se mettent à écouter des podcasts. » (Le Figaro, 1er mars 2025). Voilà qui donne des perspectives extraordinaires pour le rapprochement (holding ?, fusion ?) Radio France/France TV. Si ce n'était pas assez clair pour annoncer "Radio killed the video star"…

(1) Bob Dylan électrique. Newport 1965. Du folk au rock. Histoire d'un coup d'État. Elijah Wad. Rivage Rouge, 2017,
(2) Le mot "émission" n'existe plus dans la nov langue de Radio France. Tous les programmes "proviennent du podcast"… Un signe assez fort pour faire entrer la mue au chausse-pied et stigmatiser les "croulants" (3) qui bégayent encore le mot "émission",
(3) Dans les années 60, sur Europe n°1 dans l'émission "Salut les copains" animée par Daniel Filipacchi, on distinguait déjà ces vieux (de plus de 20 ans) incapables d'être dans le vent des yé-yé, 
















Ce billet a été rédigé sans avoir recours à l'I.A.

dimanche 2 mars 2025

Emissions politiques du dimanche : la messe est dite et le dimanche gâché…

La messe est dite et redite ! Qui peut bien écouter le dimanche à midi sur France Inter, la messe dite par les politiques ? Qui donc ? Pas les cyclistes amateurs qui depuis 8h du matin traversent, essoufflés, villages et hameaux de la France rurale. Pas les sportifs de tous poils qui s'entrainent ou se déplacent vers le lieu d'un championnat ou d'une compétition. Pas ceux qui mettent la balade matinale et dominicale au-dessus de tout et qui ne rentrent at home que vers 13h. Pas celles et ceux qui s'affairent en cuisine et les autres qui déambulent dans ce si sympathique marché où il fait bon entre deux achats faire une pause au café du coin. Pas celles et ceux qui travaillent. Pas ceux qui viennent de se coucher. Pas ceux qui regardent la mer qu'on voit danser le long des golfes clairs. Pas celles qui lisent le journal. Pas ceux qui emmènent les enfants au jardin public. Pas celles et ceux qui ont besoin de sortir de l'entonnoir dans lequel les radios veulent les faire passer.









Cette programmation d'un dimanche est juste pathétique et la copie de ce que les radios privées ne manquent pas de faire elles non plus. Mais attention, chères auditrices et chers auditeurs, avant ce couperet de midi (qui vous couperait l'appétit) on vous a mis du divertissement. Du divertissement détemporalisé. Il semble que jusqu'à un autrefois très proche la France entière de retour de week-end en auto (mobile) était tout ouïe au "Masque et la plume". Madeleine qui de génération en génération a structuré l'avant blues du dimanche soir. Maintenant le blues peut survenir plus vite puisque cette émission est diffusée dès dix heures du matin (amputée d'un quart d'heure !).

Fut un temps au début des années 80 ou même "L'Oreille en coin" (1) avait succombé à la tentation d'inviter les politiques du moment le dimanche matin entourés de chansonniers. Maintenant ce sont les politiques eux-mêmes qui font les chansonniers mais avec un terrible défaut : ils ne sont ni drôles, ni pertinents, ni subtils ni intéressants. Pathétiques forcément pathétiques.

France Inter à sa façon participe à la désacralisation du dimanche. Elle n'essaye plus de donner un autre ton à la radio, de laisser plus de place à l'imaginaire. À nous laisser souffler un peu et nous affranchir de l'empilement informationnel et médiatique saturant l'espace et l'esprit. France Inter n'a plus aucune imagination pour se distinguer, persuadée que l'écoute se consomme en miette, en replay. Alors qu'il soit midi ou 16h30, 20h ou 3h du matin tout ça c'est pareil. Le temps n'a plus aucune prise sur le cadencement d'une journée. On n'écoute plus un programme on écoute un podcast.

Les politiques, encouragés par la radio, peuvent donc à loisir saturer notre temps de cerveau disponible. Sauf qu'il y a belle lurette beaucoup d'entre nous ont pris la tangente. Mais ça la radio refuse de le voir et de l'entendre. Une politique du déni absolu.

(1) Pierre Codou co-créateur du programme dès 1968 s'opposait à ce genre de divertissement. Jean Garretto, co-créateur du programme, l'a installé à l'antenne de 1980 à 1989 ,à la mort de Pierre Codou.

samedi 1 mars 2025

Marvin oh Marvin… et Yassine Bouzar

Je ne sais pas si vous avez repéré qu'une de mes passions tourne autour de la musique… Je crois que je n'ai aucune compétence pour en parler, par contre l'écouter et l'écouter encore, ça je sais faire. Ce matin 6h30 j'ouvre mes oreilles avec les Nuits de France Culture, je regarde quoi choisir, en flux ou en replay. Et quand je lis sur ma petite machine (genre transistor moderne) que Marvin (Gaye) s'est immiscé dans la prog, je clique. Je ferme les yeux pour être in ! Je me souviens bien en 2014 avoir entendu en live le documentaire de Yassine Bouzar, (1) et alors ? Je peux le réécouter pour attraper des choses qui m'auraient échappées. Et puis je suis ébahi devant les connaissances des intervenants choisis par Yassine. Waouhhhh ! Approfondir les choses à ce point est un régal pour les oreilles et pour le cœur, particulièrement quand on ne s'est pas vraiment remis du décès du chanteur (1er avril 1984) assassiné par son père la veille de son quarante-cinquième anniversaire. What's going on !

Lors du "Sexual healing tour" 1983, ©Getty











Je passe une merveilleuse heure matinale. Dehors c'est givre à tous les étages, froid frisquet et une aurore qui se pare d'orange. "Un jour viendra couleur d'orange" (Aragon). La sensibilité de Marvin, sa sensualité exacerbée, sa voix, ses rythmes et son swing ne sont pas très adaptés à la position couchée. Je me lève et sans en perdre une miette, je prépare le café et devine qu'il va falloir absolument que j'écrive pour remercier Yassine Bouzar d'avoir fait ça. Yassine, réalisateur à Radio France, discret et en phase avec les producteurs pour fluidifier au max la musique et les mots qui se présentent au micro. Je pense entre autres aux différents "Retour de plage" de Thierry Jousse sur France Musique.

Quand les réals passent à la prod. - Josette Colin, Gilles Davidas, … - ça donne souvent de bien jolies choses. Et, une fois les soixante et une minutes écoulées, je ne résiste pas à remettre le couvert pour écrire ce billet. Comme souvent je peux dire qu'avant ces réécoutes successives je ne savais rien ou si peu de choses de cet artiste si talentueux et pour autant si fragile. Je ne savais pas le chemin parcouru. Je savais des miettes (2). Même si je connais bien les chansons du "Prince de la soul". Qu'on peut réécouter et réécouter indéfiniment. La preuve, je crois que je vais passer tout mon samedi avec lui !











Réécoutez les enregistrements avec Tammi Terrell, ajoutez-y les souvenirs d'Arno, le chanteur belge, plongez dans l'encyclopédie de Sebastian Danchin et votre fin de semaine sera magnifique. La musique peut changer le monde ou tout au moins graver quelques instants de paix et de bonheur…  

(1) "Une vie, une œuvre", Marvin Gaye par Yassine Bouzar, France Culture, novembre 2014,
(2) Marving batteur sur "Dancing in the street" de Martha Reeves ans the Vandellas, je savais pas ;-)











Ce billet a été rédigé sans avoir recours à l'I.A.

vendredi 28 février 2025

Yann Paranthoën… vingt ans dans les nuages !

Il y a vingt ans, jour pour jour, disparaissait celui qui, Nagra en bandoulière, se nommait lui-même "tailleur de sons" par filiation avec son père tailleur de pierres de l'Île Grande (22).Yann Paranthoën (1935-2005) sera toute la nuit de samedi à dimanche sur France Culture, un programme proposé par Albane Penaranda, productrice des "Nuits". On va retrouver des choses connues et d'autres moins. On va surtout être immergé dans des univers soniques suffisamment singuliers, suffisamment sensibles pour y prêter, à la faveur de la nuit, une oreille attentive…

Les Roches-Douvres
Entre les îles de Bréhat
et Guernesey, dans la Manche.













D'entrée il faut saluer Claude Giovannetti qui, sans relâche, l'a accompagné dans de nombreuses réalisations sonores, même si le personnage cumulait les fonctions de producteur, réalisateur, opérateur du son, monteur et j'en passe quelques autres. La nuit s'ouvre avec "La matière sonore dans l'atelier de la sculptrice Irène Zack. "Dans cette brève rencontre radiophonique captée pour "Clair de nuit", à travers un montage de sons enregistrés par un magnétophone Nagra, la sculptrice de marbre Irène Zack et le sculpteur de sons Yann Paranthoën posent des mots sur leurs manières d'aborder la matière qu'ils travaillent. Couleur, toucher, sensualité… en conclusion c'est finalement au compositeur Christian Zanési de parler du "style Paranthoën". (1)

Puis on fera escale dans "Le phare des Roches-Douvres" (Prix Paul Gilson, 1998). Là, Paranthoën est à son affaire. Le vent, la mer, les gardiens (et leurs femmes aussi) et j'aurais pu ajouter le granit du bâtiment… Et je crois bien entendre Giovannetti qui en ouverture traduit par la parole les initiales R.D. (Roches-Douvres)en morse. Point trait point/Trait point point… Ce jour-là, tous les deux-cent-cinquante gardiens de phare en France sont en grève (contre l'automatisation). Alors quand comme moi, on habite tout près du Phare du Four (29) on n'a pas oublié la corne de brume nuit et jour pendant le conflit. Comme souvent chez Paranthoën une humanité sensible suinte entre les mots et les sons… Et puis les témoignages émouvant des femmes de gardien (Pascale, Christianne, Françoise) qui, toute en délicatesse, disent leur vie et leurs responsabilités et quand leurs hommes ne sont pas là, leur attention soutenue à leur égard. 

On retrouve Yann chez Eliane Contini pour une "Mise au point". Et puis, grand compagnon des chasseurs de son, le Nagra, donnera à Paranthoën l'occasion d'un long documentaire "On Nagra" avec, entre autres, le témoignage de Stefan Kudelski, l'inventeur du magnétophone. En 2013, j'avais chroniqué ce doc. Puis, on se promènera le long des voies de chemin de fer entre la gare d'Austerlitz et la gare RER d'Yvry-sur-Seine, "Z comme Zéphir".

Stefan Kudelski

Et un double coup d'émotion avec la rediffusion de "La mémoire en chantant" de Yann, l'émission du samedi matin sur France Culture de François Régis Barbry. Sur les deux taiseux il y en a bien un qui a fini par parler et Patachou par… chanter ! Et pour un final en apothéose le Paris-Roubaix 1981, qui vit la victoire de Bernard Hinault et le jour même la naissance de son fils Alexandre (6h après sa victoire). Quelle narration, mais quelle narration ! Un ACR (Atelier de Création Radiophonique) comme un hommage à la petite reine et sans doute au… "petit roi de la bicyclette".

Quelle nuit, mais quelle nuit ! Il y avait bien trop longtemps que Paranthoën avait déserté les ondes de la nuit (ou du jour) pour les rediffusions de son travail. Et ce qu'il est agréable de lire sur la page de l'émission : "Une Nuit d'hommage à Yann Paranthoën qui aura son prolongement dans la programmation des Nuits des semaines et des mois à venir où seront proposées plusieurs de ses productions." Alors là ça fait vraiment plaisir. Merci à Albane Penaranda de remettre sur le métier le fabuleux travail de "l'inseigneur du son" et de sa compagne Claude Giovannetti.

© AFP








(1) Sur la page de la Nuit Paranthoën,

jeudi 27 février 2025

Loire… mettre les voiles !

De l'absolue nécessité de sortir de la nasse informationnelle, des docs de société et autres logorrhées politiques, il est un choix simple : filer en Loire, prendre sa part de vivant et de sauvage et écouter celles et ceux qui la vivent au quotidien. On pourrait presque dire au corps à corps pour ne pas dire au corps à cœur…  










Deux compagnes de Loire, Romane Piquart, navigatrice et Marion Clément, voilière et deux compagnons Patrick Lefèvre, navigateur et le géomorphologue Bruno Comental nous plongent dans une réalité fluviale, à l'écart du bruit, des fureurs du monde et des sentiers bien balisés. À l'écoute de l'émission de la RTBF, "Par ouï-dire" dans un documentaire (1) d'Aurélien Frances. On est vite captivé, car ce sont les témoignages directs des actrices et des acteurs de leur quotidien sur la Loire qui s'expriment (sans l'interférence d'une productrice ou d'un producteur). Les passions de chacune et de chacun, "Je suis au service du vent" dit Marion, s'écoutent avec leurs engagements solides, leurs convictions profondes et leur goût du partage. On met les voiles (carrées) et on se laisse porter par ce qui fait leur vie et nous permet de rompre quelques instants avec la notre.

Les passionnés de Loire pourront toujours y revenir en écoutant le doc de Sophie Berger, Loire, (Prix Découvertes Pierre Schaeffer / Phonurgia Nova Awards 2013) qui date de 2011 et que j'avais chroniqué ici !

Et puis, de la Loire aux Marais salants de Batz et de Guérande il n'y a que quelques "tonnes" d'alluvions. Cette fois-ci ce sont Mathilde Doiezie et Nathalie Le Gallou-Ong qui, à la suite du précédent documentaire, nous ouvrent la visite pour "Le sel, les oiseaux et la terre" (1). François Desmars, paludier rappelle que le marais, sur 2000 ha, produit 250gr de sel par litre d'eau. L'or blanc, celui de ma pincée de fleur (de sel) que chaque matin j'ajoute à mon oeuf à la coque. Et Gildas Buron, directeur du musée du Marais salant de Batz (2) d'ajouter son grain de sel pour préciser les conditions géologiques qui ont favorisé la création des marais salants, comme aussi le travail des paludiers en hydraulique salicole. "Fait de mains d'hommes centimètres par centimètres" dit Gildas Buron.

Dominique Demars, ©Bruno Saussier








Tendez l'oreille vous entendrez le bruit de l'eau et devinerez peut-être le geste auguste du paludier qui pousse, ramène et hisse sur le dur, le sel avec le las (prononcer lasse), muni d'un long manche flexible (en carbone). Si vous avez la chance de connaître le marais salant et de le visualiser, les explications sont limpides et précises. Ça donne envie dans quelques mois d'y retourner et de se remettre un peu de fleur de sel sur la langue.

(1) Production "Silence podcast". Tiens, tiens, il y aurait donc de la co-prod' à la RTBF ?
(2) Pour nous Bretons le "sur mer" est une invention touristique et administrative française quand le village s'appelait "Bourg de Batz",